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Le Chips Act (ECA), les balbutiements d’un nourrisson prometteur

Annoncé en février 2022, il a fallu attendre le 13 septembre 2023 pour que l’European Chips Act voit le jour. L’ambition communiquée autour de ce projet pris en main par le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, est de booster la production de semi-conducteurs. Qu’en est-il de la percée de cette initiative censée fournir aux pays européens les moyens d’atteindre 20% de la production mondiale de semi-conducteurs, à l’orée de 2030 ?

Rappelons tout d’abord que ce sont les problèmes d’approvisionnement liés la crise COVID-19 et les tensions entre la Chine et les USA qui ont aiguisé les volontés de s’outiller sur place de microprocesseurs. C’est l’entreprise taïwanaise TSMC qui est le leader mondial dans le domaine, suivie de loin par le Coréen Samsung et l’Américain Intel. Or, sans ces précieux ingrédients indispensables à la production industrielle, plusieurs secteurs industriels (automobile, smartphone, missile) sont condamnés à ralentir voire arrêter leur production. Le secteur automobile grandement impacté en 2021 par les difficultés d’approvisionnement, notamment en septembre 2021, Volkswagen, Peugeot, Fiat, Citroën, Ford, Toyota ont été contraints de mettre à l’arrêt plusieurs usines. 

Aux USA, pour remédier à ces difficultés d’approvisionnement, le président Joe Biden a, dans le cadre de son Inflation Reduction Act, promulgué le 9 août 2022 le Science and Chips Act en allouant environ 260 milliards de dollars dans la production industrielle de microprocesseurs, dont environ 52 milliards de dollars dans la recherche et développement. Dans la foulée, pour marquer une détermination à épauler cette production, un vaste chantier a été inauguré par le président américain en personne dans l’Ohio pour doper la production d’Intel. Autant dire qu’un engouement était né autour de cette volonté politique, un engouement qui n’a pas manqué d’éclabousser les autres industries liées à la production de cette technologie précieuse. La multinationale française VEOLIA, par exemple, s’en frotte les mains. Elle prévoit de booster son chiffre d’affaire par la fourniture des eaux purifiées nécessaires aux industries de semi-conducteurs. Cependant, en 2023, l’on estimait que seulement 10% des versements alloués pour cette année avaient été réalisés .

Deux ans plus tard, alors que la Maison Blanche s’apprête à changer de locataire, des inquiétudes quant à l’exécution de ce Chips Act se profilent. En effet, dans le cadre de son programme America First, le nouveau président entend jouer beaucoup plus sur les droits de douane que sur les subventions et les crédits d’impôts. Donald Trump n’a pas manqué d’annoncer sa volonté de réformer le Chips Act à sa manière. D’aucuns estiment que dans les grandes lignes, le Chips Act ne craint rien. 

Le fait est que les sommes promises n’ont pas encore été perçues par les acteurs du secteur. Et pour cause, les contrats n’ont pas encore éé finalisés, chose à laquelle s’active le président sortant pour les deux mois qu’il lui reste. Autant dire que de l’autre côté de l’Atlantique, le tout jeune Chips Act se trouve confronté à bien des défis au rang desquels figurent les restrictions asiatiques au transfert de technologie, la garantie de chaînes d’approvisionnement résilientes et la recherche d’une main d’œuvre qualifiée.

Quid du Chips Act européen ? Il est certain qu’il n’échappera pas non plus aux défis précités. D’ores et déjà, il semble qu’il y ait encore un challenge de stratégie à peaufiner. Les acteurs du secteur ne cessent de pointer la faiblesse des investissements alloués. Les 43 milliards d’euros semblent dérisoires face aux moyens mis en œuvre par les autres pays qui comptent également s’imposer dans le secteur : les USA, la Corée du Sud (430 milliards d’investissements privés) et la Chine. Autant s’atteler à la recherche et développement, se positionner sur les équipements de semi-conducteurs avancés et ceux à basse consommation.

Disons qu’il faudra tout de même fabriquer de quoi faire tourner l’industrie européenne pour réduire la dépendance, même si la souveraineté technologique visée dans ce domaine paraît, pour l’heure, difficile d’accès.

L’installation d’Intel prévue en Allemagne semble loin d’être une priorité pour l’entreprise américaine. En même temps, elle doit se déployer sur d’autres fronts. Ce qui la pousse à reléguer son projet d’expansion en Allemagne en 2029-2030. Le principal acteur de semi-conducteurs en Europe est l’entreprise franco-italienne STMicroelectronics qui, elle, entend déployer ses ailes avec de nouvelles usines.

Pour beaucoup, une plus grande enveloppe doit être dévolue à la recherche et développement. C’est sur cet axe que la France veut se focaliser. 

L’ESIA, l’association européenne des industries des semi-conducteurs réclame plus de flexibilité et d’adaptabilité. Concrètement, il faudrait une simplification des procédures de financement et l’accélération des processus d’approbation des installations. 
De surcroît, les investissements européens sont jugés assez faibles pour sortir de la dépendance stratégique.

En somme, en soufflant la première bougie de l’European Chips Act, les acteurs du secteur réclament déjà un Chips Act 2.0. plus de moyens et une stratégie plus en phase avec les réalités du marché et les capacités des firmes européennes. Alors Chips Act 2.0 pour bientôt ?

Mood Music : You learn (1996) - Alanis Morissette

Auteure, rédactrice

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