Un "chat" sur le luxe et ses griffes

L’affaire des fermoirs « LV tournant ».

Le 11 mars 2022, la Cour d’Appel de Paris s’est prononcée dans l’affaire des fermoirs « LV tournant » qui oppose la société Louis Vuitton Malletier à une designer indépendante, madame I.

Avec cette dernière, il avait été conclu un premier contrat de concession de savoir-faire en 1987 sur des sacs à main et un deuxième 1988 portant sur des articles de bouclerie, des sacs de voyage et de loisirs. Finalement, le 30 juillet 1992, une convention entre les parties stipule le rachat de tous les droits de propriété attachés à ces lignes d’articles par LVM contre une contrepartie financière. Il est alors établi que LVM acceptait de régler la somme de 517.689 francs en cas d’utilisation des fermoirs pour un nouveau produit de sacs à main, articles de bouclerie, sacs de voyage et de loisirs.

Lorsqu’en 2014, madame I. s’aperçut d’une utilisation de son design pour un nouveau produit, la gamme TWIST, elle réclama 111 575, 11 euros, une somme tenant compte de l’érosion monétaire selon les calculs de son conseil.

La société LVM, de son côté, finit par lui envoyer un chèque de 78.922 euros correspondant d’après ses calculs à la somme de 517.689 francs.

En désaccord avec le montant et ayant choisi de ne pas présenter le chèque de la société LVM à l’encaissement, Madame I. avait saisi le TGI de Paris le 17 juillet 2015. Peu à peu, elle découvre que les fermoirs ont été également utilisés sur la gamme de sacs Go aussi bien que d’autres produits, à savoir des portefeuilles, des bracelets, des chaussures, des ceintures et des porte-clefs.

Madame I. demande ainsi au tribunal la nullité de l’article 2 de la convention et subsidiairement une révision du prix pour lésion.

De surcroît, elle considère qu’en apposant «  le LV tournant » sur d’autres articles que ceux visés dans la convention et en ne mentionnant pas le nom de l’auteur, LVM aurait commis des actes de contrefaçon portant atteinte à ses droits moraux et patrimoniaux sur les fermoirs.

Le jugement du tribunal judiciaire du 12 juin 2020 ayant rejeté l’action en contrefaçon de droit d’auteur intentée par madame I., celle-ci décide d’interjeter appel.

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C’est ainsi que la Cour d’Appel lui octroie la somme de 700 000 euros pour l’utilisation sans autorisation du « LV tournant » sur des portefeuilles, bracelets, chaussures, ceintures et porte-clefs. Par ailleurs, en ce qui concerne les utilisations qui entraient dans le champ contractuel, la Cour d’Appel de Paris a maintenu la rémunération prévue à l’article 2 de la Convention, en considérant d’une part que l’action en nullité de cet article 2 introduite par madame I. était prescrite depuis 1997 et, d’autre part, en rejetant l’action en révision du prix.

Dans cette affaire, il est intéressant de voir le tracé subtil opéré entre responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle afin de ne pas entrer en violation du principe de non-cumul de ces deux responsabilités.

Alors que que les étendards de la responsabilité contractuelle paraissaient, à première vue, fermement posés sur toute l’étendue de ce litige, la responsabilité délictuelle semble s’être érigée en conquérante impromptue. Pour tout ce qui n’entrait pas strictement dans le champ contractuel, à savoir les lignes autres que les sacs à main, les articles de bouclerie, les sacs de voyage et de loisirs, Louis Vuitton Malletier a été condamnée pour avoir utilisé la création de Madame I. sans autorisation. La société s’est pourvue en cassation. L’affaire des fermoirs « LV tournant » reste donc une affaire à suivre.

CA de Paris, 11 mars 2022, n°20/08972

Mood Music : Keep looping (1989) - Sade

Auteure, rédactrice