Supermac’s contre Big Mac (McDonald’s)
Tribunal de l’Union Européenne – 5 juin 2024
Les hostilités ont commencé en 2014 lorsque Supermac’s (Holdings) Ltd, chaîne irlandaise de restauration rapide a voulu déployer ses ailes hors de ses terres pour aller à la conquête du marché européen. McDonald’s International Property Co. Ltd, société internationale de restauration rapide, a opposé à cette démarche d’expansion la dénomination de ses produits. Des produits et services de McDonald’s, seul le Big Mac a pu porter ce combat. En effet, cette marque verbale déposée en 1996 est la seule qui comporte les lettres Mac apposées à un préfixe, de quoi créer une confusion avec Supermac’s. Soit ! Son adversaire tente alors la déchéance auprès de l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle, l’EUIPO. Cette dernière a annulé la marque verbale BIG MAC en 2019.
Cette décision a été réformée pour quelques produits et services dont les aliments à base de volaille, sandwiches à la viande, sandwiches au poulet. Supermac’s a alors introduit un recours pour faire annuler la marque pour certains produits.
Dans un arrêt du 5 juin 2024, le Tribunal de l’Union Européenne décide d’annuler la marque BIG MAC pour les aliments à base de volaille et les sandwiches au poulet et les services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le drive-in, les préparations de plats à emporter. Il avait été jugé que McDonald’s n’avait pas réussi à démontrer un usage sérieux de la marque BIG MAC pour ces produits et services.
Surprenant vu la popularité du BIG MAC, n’est-ce pas ? Mais voilà, il n’a pas pu être démontré que le Big Mac Chicken avait vraiment la cote en Europe. D’ailleurs, le Big Mac avait tendance à être présenté, y compris par McDonald’s lui-même, comme un Hamburger avec deux galettes de bœuf.

Après un répit de 5 ans à compter de leur dépôt, les marques doivent valablement servir ou s’attendre à périr. C’est l’article 58 du règlement 2017/1000 qui le dit le mieux.
La preuve de l’usage sérieux d’une marque est un exercice…sérieux, appliqué. Il faut brandir des chiffres, des lettres! Plus sérieusement, il ne faut pas juste exploiter une marque, il faut penser aux preuves de cette exploitation : des affiches publicitaires, des factures, tout ce qui pourrait prouver un lien fort avec le public… Pour apporter cette preuve d’exploitation, il ne faut pas y aller de main morte. Par exemple, l’existence d’une page Wikipédia qui référence le produit ne saurait être suffisante pour démontrer un usage sérieux. C’est déjà pour cette raison que BIG MAC avait perdu le premier round auprès de l’EUIPO.
Cet arrêt du TUE, pour sa part, met surtout en lumière le fait que ce soit produit par produit, service par service que l’usage sérieux doit être démontré. Cet usage sérieux peut être accordé à un produit et pas à un autre.
C’est de bonne guerre que McDonald’s a opposé son Big Mac à Supermac’s pour éviter toute confusion du public. C’est aussi de bonne guerre que Supermac’s s’en est pris bec et ongles au mythique Big Mac. Il fallait que le Big Mac soit détrôné pour que Supermac’s installe sa dénomination sociale dans le paysage de la restauration rapide au sein de l’UE. Le propriétaire de la chaîne irlandaise présentera ce contentieux comme le combat de David contre Goliath, celui des petites entreprises contre les multinationales. Notons tout de même que le géant américain de la restauration rapide n’a pas perdu la face dans ce duel, à peine y a-t-il laissé quelques plumes. Certes, le TUE a annulé la marque BIG MAC pour les sandwiches de volaille. Mais McDonald’s conserve le droit de commercialiser le Big Mac Chicken. De plus, il détient toujours la marque BIG MAC pour les sandwiches de viande, ce qui peut couvrir la volaille en tant que produit similaire.
Dans l’arène des marques, tout est de bonne guerre !
Mood Music : I believe I can fly (1995) - R. Kelly

